
Je vous ai parlé de mon histoire personnelle avec le Cauri, offert par un marabout dans la région de Saly, au Sénégal, et de ma promesse faite envers lui.
Je vous ai aussi évoqué l’un de ses symbole qui est l’humilité : il sera encore sur Terre quand moi, non. Mais laissez-moi vous donner quelques clefs pour comprendre en quoi ce petit coquillage, de quelques centimètres, est si important dans la culture d’Afrique sub-saharienne.
Et si vous êtes curieux, vous irez en découvrir plus, ailleurs 😉
Le Cauri, ce petit coquillage souvent méconnu, a une signification profonde et une histoire riche en Afrique. Au-delà de sa beauté naturelle, le Cauri a joué un rôle crucial dans les échanges culturels, économiques et symboliques à travers le continent. Voici cinq faits marquants sur le Cauri qui soulignent son importance au-delà de sa simple apparence.
1. Le Cauri, un symbole de richesse et de statut
Dans de nombreuses cultures africaines, le Cauri a longtemps été considéré comme un symbole de richesse et de pouvoir.
Utilisés plus de 1000 ans avant notre ère comme monnaie en Chine, puis dans les régions bordées de l’Océan Indien, ils ont été introduits vers le Xème siècle en Afrique par les commerçants Juifs et Arabes.
Ces coquillages ont rapidement été utilisés comme une forme de monnaie dans plusieurs régions, notamment en Afrique de l’Ouest. Dans des pays comme le Nigéria, le Ghana et le Sénégal, les Cauris étaient échangés contre des biens et des services, servant de moyen de transaction dans les marchés locaux.
Mais pourquoi ? Leur nom latin « monetaria moneta » en dit long sur leur usage. Un de leurs avantages est d’être assez similaires entre eux, imputrescibles une fois débarrassés de leur habitant mollusque, et infalsifiables : mieux que des billets de banque 😅 !
Ils étaient échangés soit en les comptant, soit en les pesant (il n’est pas rapporté que certains commerçants malins auraient pu les remplir de sable pour en donner moins…..).
Malheureusement, le Cauri est aussi devenu un symbole de l’esclavagisme, en étant une monnaie d’échange pour acheter les esclaves. Et c’est même cet ignoble usage qui a courru à la perte du Cauri. En effet, la concurrence étant rude entre colons, le « prix » des esclaves ne cessa de grimper, et les masses de Cauris nécessaires à régler étaient devenues importantes : on parle de 80.000 cauris en échange d’un homme.
Une fois l’abolition de l’esclavage proclamée à l’aube du 20ème siècle, les colons en ont interdit l’usage en imposant les monnaies fiduciaires, réduisant à néant les réserves importantes que les profiteurs de la traite négrière auraient pu avoir.
Pour les férus d’histoire, je vous renvoie aux documents de l’historien béninois Abiola Félix Iroko, ou plus récent de Gildas Salaün.
Pour clore le côté monétaire de façon plus légère, savez-vous que des paniers de Cauris sont encore parfois symboliquement offerts en dot pour un mariage ? Ou encore que le nom de la monnaie du Ghana, le Cedi, n’est autre qu’une traduction du mot…..Cauri.
La puissance monétaire du Cauri n’est pas disparue au fond de sa coquille !
Bien avant cette période sombre de l’histoire africaine, les Cauris, de par leur importance, étaient également utilisés pour indiquer le statut social ou l’appartenance à une ethnie ou un cal. Par exemple, les chefs et les dignitaires portaient souvent des colliers ou des ornements décorés de Cauris pour démontrer leur position dans la hiérarchie sociale.

2. Le Cauri, un outil de divination et de spiritualité
Au-delà de leur valeur monétaire et statutaire, les Cauris ont également une signification spirituelle dans de nombreuses cultures africaines. Dans certaines traditions, ils sont utilisés lors de rituels de divination, où les devins lancent des Cauris pour interpréter les messages des ancêtres ou des esprits. Cette pratique est particulièrement courante en Afrique de l’Ouest, où les Cauris sont considérés comme des connecteurs entre le monde physique et spirituel. Entre la Terre et le monde vaste et méconnu de la Mer.
Les Cauris sont également intégrés dans des pratiques religieuses, symbolisant en particulier la fertilité, mais aussi la prospérité et la protection. De nombreux rituels impliquant des Cauris sont encore pratiqués aujourd’hui, montrant l’importance continue de ce coquillage dans la spiritualité africaine.
3. Le Cauri, un matériau prisé en artisanat
En plus de leur utilisation symbolique et économique, les Cauris sont également très appréciés dans l’artisanat. Les artisans les utilisent pour créer des bijoux, des vêtements et des objets décoratifs. Les colliers en Cauris sont souvent portés lors de cérémonies, de festivals et d’autres événements culturels, ajoutant une touche d’élégance et d’authenticité.
Les artisans africains utilisent des Cauris pour réaliser des pièces uniques qui reflètent la culture et l’identité de chaque communauté. Les créations varient d’une région à l’autre, et chaque pièce raconte une histoire, reliant l’artisan à ses ancêtres et à son héritage culturel.
Cette tradition continue d’influencer les pratiques culturelles et vestimentaires modernes. On retrouve de nombreux artistes qui l’utilisent, dont par exemple la styliste ivoirienne Lafalaise Dion et ses créations portées par Beyoncé.
4. Le Cauri, une histoire d’échanges culturels
En dehors de la période sombre de l’esclavagisme, le Cauri a également joué un rôle crucial dans les échanges culturels à travers l’Afrique et au-delà. En tant que monnaie, il a facilité le commerce entre différentes tribus et régions. Les Cauris ont été échangés contre des biens précieux tels que l’or, les épices et d’autres ressources, permettant un mélange des cultures et des traditions.
Cette dynamique commerciale a contribué à l’émergence de routes commerciales importantes, reliant les différentes parties de l’Afrique et même d’autres continents. Les Cauris, en tant que symbole de richesse, ont aidé à établir des relations diplomatiques et commerciales entre des nations, façonnant ainsi l’histoire économique de la région.
5. Le Cauri, un héritage vivant
Malgré les changements modernes et l’évolution des systèmes économiques, le Cauri reste un symbole vivant de l’héritage culturel africain. Les jeunes générations continuent de valoriser ce coquillage, tant pour son histoire que pour ses significations contemporaines. Des festivals et des événements culturels mettent en avant l’utilisation des Cauris, tout en promouvant l’artisanat local et en préservant les traditions (Fescauri au Mali).
Les initiatives visant à redynamiser la production et l’utilisation des Cauris sont également en cours, avec des artisans qui s’engagent à transmettre ce savoir-faire aux générations futures. Cela permet non seulement de préserver une partie essentielle de la culture africaine, mais aussi de promouvoir le développement économique local.
Même notre tote bag actuel, en wax, est symboliquement avec des Cauris dessinés 😉🥰

Le Cauri, un passé bien présent
Le Cauri est bien plus qu’un simple coquillage. En tant que symbole de richesse, d’héritage spirituel, d’artisanat et d’échanges culturels, il incarne l’esprit dynamique et riche de l’Afrique. En apprenant à connaître le Cauri et son importance, nous renforçons notre compréhension des cultures africaines et célébrons la diversité qui les rend uniques.
Que vous soyez un amateur d’art, un passionné de culture ou simplement curieux, le Cauri mérite d’être exploré et apprécié pour tout ce qu’il représente. En soutenant les artisans locaux et en respectant les traditions, nous contribuons à préserver ce trésor naturel et culturel pour les générations à venir.
Alors, la prochaine fois que vous rencontrerez un Cauri, rappelez-vous qu’il porte en lui des histoires et des significations qui vont bien au-delà de sa beauté physique. C’est un symbole de la richesse d’une culture qui continue de vivre et d’évoluer.
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